Presse suite au concert du 8 avril à Brest
Shakespeare trio, tout simplement inoubliable.
Certains ont chanté les sonnets de Shakespeare. D’autres les ont dits. Mais jamais spectacle n’avait été aussi complet que celui proposé par Steeve Brudey, Pierre Stephan et Bernard Lepallec. Un moment rare et précieux qui fait oublier au spectateur le contexte où il se trouve. Le Beaj Kafé, un endroit où l’on mange aussi, tandis que résonnent ces paroles puissantes et cette musique qui décale pour mieux recentrer l’essentiel. « Contre ce temps, ah, je me fortifie/En m’assurant de ma propre valeur… » La polysémie de Shakespeare joue ici en faveur de ces artistes au talent admirable.
Réveiller les émotions
Il n’est pas un moment que l’on n’ait savouré. Tout est neuf dans ces vers, vieux de plus de quatre cents ans. Steeve Brudey sait tout faire. La voix est parfaitement maîtrisée et la diction dépasse l’esthétique : chaque mot prend dans sa bouche une couleur tranchée, faite pour aviver les sensations, réveiller les émotions perdues. « C’est vrai, j’avoue que j’ai couru partout/Que j’ai joué les bouffons devant le monde… » Le désarroi engendré par ces deux vers soufflants enrobe de chair la pauvre ossature de l’humain. Quant à l’étendue de la tessiture de Steeve Brudey, elle nous laisse sans voix. Les aigus ne s’apparentent pas à ceux d’un contre-ténor, mais bien à la plénitude de ceux d’une soprano, teintée de mezzo. Il dit, il chante, il joue aussi. Présence habitée par le sens de ces textes torturés, nostalgiques, moqueurs. Aux machines, Pierre Stéphan invente un univers. On est loin de la paraphrase. Les sons puisent dans une contemporanéité justifiée. Et que dire du saxophone de Bernard Lepallec, également créateur des compositions, qui ose le prolongement de la voix humaine et mise sur des rythmes qui parlent d’universel.